Il y a maintenant un mois, les chars russes envahissaient l’Ukraine sur ordre de Vladimir Poutine. Depuis, les bombardements sur les villes ukrainiennes se multiplient, le nombre de morts augmentent chaque jour tout comme l’afflux de migrants en direction de l’Europe. Pourtant, Vladimir Poutine reste plus que jamais campé sur ses positions. Alors que se passent-ils réellement dans l’esprit du président Poutine ?
En sa qualité de responsable de la zone Russie-Europe de l’Est, et co-responsable du master Géostratégie, Défense et Sécurité Internationale à Sciences-po Aix, Nicolas Badalassi a donné une conférence à Sciences po Aix le 1er mars, au sujet de la crise ukrainienne. Le maître de conférences en histoire contemporaine a alors donné des explications aux étudiants quant aux contextes historique et géopolitique qui entourent cette crise ukrainienne.
Poutine et la nostalgie d’une grandeur russe passée
Les médias ont longtemps parlé de tentation soviétique pour designer Poutine, cependant, c’est davantage le passé tsariste qui hanterait le président russe. De nouveau au pouvoir, l'Église orthodoxe russe contribue par ailleurs à relancer ce mythe tsariste soutenant Poutine dans sa volonté de renouer avec l’ensemble de la chrétienté orthodoxe russe et d’étendre les frontières de l’empire.
Un passé menacé par l’influence européenne
Depuis le 18e siècle, la Russie considère qu’elle est encerclée par les occidentaux sur terre comme sur mer. D’autant que la présence européenne sur la partie Est n’est pas uniquement militaire mais culturelle. Depuis l’effondrement de l’URSS, qui représente la pire catastrophe du 20e siècle pour Poutine et une partie des Russes, l’ouest de l’ancien bloc soviétique, c’est peu à peu européanisé jusqu’à chercher à intégrer l'Union européenne et l’OTAN.
Rappelons qu’en 2003 et 2004, les révolutions de couleurs en Georgie et en Ukraine mettent en place des gouvernements démocratiques soutenus par l’Europe et les États-Unis, le Kremlin est en panique et on va même jusqu’à dénoncer une conspiration de l’occident contre la Russie.
Monsieur Nicolas Badalassi. Crédits : Facebook de Sciences Po Aix
Les prémices en trois temps de la crise actuelle
Si dans les années 2000 et 2004, Vladimir Poutine joue le jeu de la coopération en aidant les occidentaux dans la lutte contre le terrorisme, il met en place dans un même temps l’organisation du traité de sécurité collective, pensée comme une renaissance du pacte de Varsovie.
C’est véritablement à partir de 2004 jusqu’à 2008 que les rapports entre la Russie et l’occident prennent un nouveau tournant. L’arrivée au pouvoir des forces libérales et pro-occidentales en Ukraine et en Géorgie est considérée comme par Poutine comme une trahison de l’occident. Le Kremlin réplique alors par une Cyberattaque en Estonie et une intervention à titre punitive en Géorgie. Si cette deuxième période va enrayer une fois pour toutes les ressentiments russes vis-à-vis de l’occident, c ’est le cas de la Syrie en 2013 qui va conforter le dictateur dans ses intentions d’offensives. La non-intervention des Français et des Américains dans le conflit syrien est la preuve d’un occident qui s’est affaibli et peine à jouer son rôle de « gendarme du monde ». Poutine fait alors le pari d’envahir la Crimée. Pari réussi, puisque la réaction occidentale est alors bien faible face à la menace russe.
La Chine, un arbitre décisif dans la résolution du conflit
Si le président chinois Xi Jinping avait prononcé lors de son entretien avec le président américain Joe Biden le 18 mars "La crise ukrainienne n'est pas quelque chose que nous souhaitons voir. » La Chine peine encore à se prononcer en faveur d’un camp. Sans doute parce que cette ambiguïté vis-à-vis de son partenaire ukrainien et de son allié russe lui assure, une position des plus avantageuse. Cependant, la position des Chinois dans le conflit est susceptible de faire basculer le conflit, d’un côté comme d’un autre. Le risque étant que si ce mutisme se prolonge, les Chinois laissent la situation s’empirer au risque que l’Ukraine devienne un état fantoche sous la coupe russe. Toutefois, le conflit ukrainien pourrait représenter une opportunité d’affaiblir considérablement les organisations internationales occidentales, un objectif de longue date.
Nicolas Badalassi a démontré lors de sa conférence à Sciences-po Aix, le conflit de longue date qui oppose la Russie et l’occident. L’Ukraine étant alors davantage un prétexte qu’un réel enjeu dans cette guerre qui n’est pas sans rappeler la précédente Guerre Froide. À une différence près : les rêves de gloire de Vladimir Poutine s’attachent davantage au passé tsariste que soviétique. Dans ce contexte, l’unique crime de L’Ukraine, a été de vouloir rejoindre et ressembler à l’Europe défiant alors l’autorité du dictateur de l’Est.
Tylia Belghazi