Les femmes dans l'entrepreneuriat : retour sur la conférence Junior Experts

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Le 17 janvier dernier l’association Junior Experts accueillait, à l’initiative de sa présidente Victoria Martane, cinq femmes aux parcours atypiques : Julie Teflour, Marion Castillo, Camille Boyer, Fabienne Chameroy, et Margaux Scalisi. Ces femmes étaient réunies à l’occasion d’une conférence intitulée "Egalité femmes-hommes dans le monde du travail en 2022, où en sommes-nous ?” Ainsi, ces dernières ont toutes un point commun : militer chaque jour en faveur de l’égalité femmes-hommes par divers moyens. Elles ont, de ce fait, livré aux étudiants de Sciences-po Aix leur expérience de femme dans le monde du travail ainsi que l’impact de l’actuelle législation sur l’égalité des genres, avant de donner quelques conseils aux étudiants.  

Des parcours variés

Julie TEFLOUR : Après avoir été diplômée du master Expertise Internationale de Sciences Po Aix en 2016, Julie Teflour a ensuite suivi une double formation à l’EM Lyon et à l’École centrale de Lyon avec une spécialisation dans l’urbanisme. Elle travaille à présent chez Empow’her et accompagne des femmes entrepreneures. « Célébrons les femmes qui façonnent le monde ! » Tel est le slogan du festival la Cité fertile, dont Julie Teflour est à l’initiative.

Marion CASTILLO : Diplômée de Sciences Po Aix après un master en Communication Institutionnelle et Journalisme à l’international en 2011, Marion Castillo a effectué un stage de fin d’études au haut-commissariat à l’égalité avant de travailler en tant que directrice de communication et de développement commercial au sein d’une start-up. Après 3 ans dans le département des demandes d’asiles des personnes arrivant en France, Marion Castillo se lance dans le programme elleforYT dont elle a la charge. Le programme vise à promouvoir la place de la femme sur la plateforme You Tube.

Camille BOYER : Camille Boyer commence sa spécialisation sur les questions de genre en 3e année à Amsterdam et sort diplômée de Sciences Po en 2019. Elle a été assistante de projet égalité femmes-hommes à Sciences-Po Aix. Aujourd’hui elle est chargée de la mission études, communication, mécénat au sein du ministère chargé de l’Egalité femmes-hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances.

Margaux SCALISI : Diplômée de Sciences Po Aix et de Sciences-Po Paris, avec une spécialisation dans l’immobilier et le projet urbain, Margaux Scalisi devient responsable du développement des grands projets urbains au sein du groupe immobilier français Icade. Avant de fonder en 2019 Vefaonline, une plateforme dédiée aux ventes en bloc de logements.

Fabienne CHAMEROY : Actuelle Maître de Conférences à la faculté d'Économie et de Gestion d'Aix Marseille Université, Fabienne Chameroy a travaillé avant cela au sein du groupe Nestlé en tant que directrice marketing et dans diverses PME-TPE. La particularité de Fabienne Chameroy tient donc à son expérience tant dans le domaine public que privé.

Crédits : Facebook de Junior Experts

Retour sur l'événement

Être une femme dans un monde professionnel souvent régi par les hommes n’est pas une chose aisée. Ces cinq femmes actives nous ont livré leur expérience sur l’état actuel de l’égalité des genres. 

Margaux Scalisi nous évoque alors le fossé existant entre la loi et l’expérience, l’égalité « théorique » et sa réalité : « Aujourd’hui des déséquilibres flagrants subsistent sur le marché du travail ». Pour rappel, le salaire des femmes en France est, selon l’INSEE, de 16,5 % inférieur à celui des hommes en 2021. De plus, il existe selon Marion Castillo des inégalités systémiques intrinsèquement liées au monde du travail. Une femme doit montrer plus, prouver plus, et travailler plus qu’un homme pour réussir. Obtenir l’égalité est un objectif pour toutes les femmes, que ce soit dans le monde professionnel ou dans la vie de tous les jours. 

Il y a des freins qu’on s’imposerait en tant que femme, dans notre volonté de prendre le leadership par exemple, selon Julie Teflour. L’égalité des genres reposerait d’abord sur la capacité qu’ont les femmes à croire en leurs compétences et à l’assumer.

         Toutefois, le domaine législatif garantissant l’égalité femmes-hommes français est encore trop peu appliqué dans le monde professionnel. Malgré la promulgation de la loi Copé-Zimmermann en janvier 2011 qui a fait passer la part des femmes au sein des entreprises à 40 %, la parité des genres demeure tout de même fragile. Il s’agit pour Camille Boyer de renforcer les efforts, car seules 2 % des entreprises ont un Index d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à 100 %. Pour rappel, l’index évalué sur 100 points et publié sur le site des entreprises, calcule le rapport d’égalité femmes-hommes selon 4 à 5 indicateurs : l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes, l’écart de répartition des augmentations individuelles, l’écart de répartition des promotions (uniquement dans les entreprises de plus de 250 salariés), le nombre de salariées augmenté à leur retour de congé de maternité et la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations.

Fabienne Chameroy explique à ce sujet que la parité des genres est d’autant plus faible selon elle au sein des petites structures comme les start-up qui ne disposeraient pas de contre-pouvoir tel qu’un système de ressources humaines veillant au respect de l’égalité femmes-hommes, existant dans les grands groupes. Il existe par ailleurs des déséquilibres de recrutement dans certaines grandes structures technologiques telles que Google comme l’a souligné Fabienne Chameroy. Margaux Scalisi témoigne à ce propos de son expérience au sein d’un grand groupe immobilier dans lequel les femmes ne représentaient que 20 % de l’entreprise et où il était de ce fait difficile de trouver sa place. L’entreprise devient d’autant plus un combat lorsqu’une femme est confrontée à un sexisme omnipotent. Face à cela, Julie Teflour a proposé de mettre en place des groupes de parole lors d’une de ses nombreuses expériences professionnelles. 

Conférence en amphi Cassin. Crédits : Facebook de Junior Experts

L’entreprenariat est alors un moyen de défendre sa place selon Margaux Scalisi et Julie Telfour. En effet, il permet aux femmes de reprendre le pouvoir décisionnel et de s’affirmer dans des projets qui leur ressemblent. Cependant, l’entrepreneuriat féminin n’est pas toujours facile et il faut se doter d’une grande motivation pour aller au bout de l’expérience. 

         Plus que l’entrepreneuriat, il s’agit de redonner aux femmes leur place légitime, une place que Marion Castillo entend combler en ouvrant davantage You Tube aux femmes, leur donnant les clés pour exprimer leur voix et en valorisant leur capacité à effectuer des vidéos sur d’autres sujets que la beauté ou le lifestyle. Camille Boyer, elle, s’occupe au ministère de l’égalité femmes-hommes de chiffrer et d’évaluer ces inégalités de genre pour mieux les traiter.

Selon Julie Teflour, c’est dans cette même perspective que les entreprises devraient se doter d’un référent femmes-hommes si leur budget le permet afin que ce dernier puisse surveiller et mettre en place des actions nécessaires à l’égalité de genres. 

Mais avant tout, une femme doit croire en ses capacités pour Fabienne Chameroy. Elle doit prendre le temps d’analyser l’entreprise dans laquelle elle souhaite postuler, savoir avec qui elle veut travailler et comment, et surtout oser demander le même salaire qu’un homme. 

Par ailleurs, les panélistes s’accordent pour insister sur le fait que les hommes ne doivent pas être exclus du débat. En effet, il ne faut pas qu’ils voient la lutte pour l’égalité femmes-hommes comme une menace pour leur équilibre professionnel et personnel. Il est important que ces derniers voient les bénéfices de cette égalité pour eux, pour leurs femmes, leurs mères, leurs filles. De plus, ces inégalités coûtent chères pour l’ensemble de notre société, récemment une étude de la fondation des femmes a dévoilé que les inégalités femmes-hommes coûtent 118 milliards à la société par an. 

 Pour conclure, il faut donc que chacune et chacun agisse de façon à briser ces plafonds de verre. Il ne convient plus de suggérer cette égalité, mais de l’imposer à chaque niveau: dans le monde de l’entreprise, dans le monde professionnel et dans la vie personnelle. 

Beaucoup de femmes ont tendance à se mettre des freins qui seraient le résultat inconscient de tout un système sociétal. Un changement des mentalités a déjà commencé, il faut que notre génération en profite pour aller encore plus loin. Face à cela, une solution : se poser la question “que ferions-nous dans cette situation en tant qu’homme ?”. 

Tylia Belghazi